La terre de nos ancêtres n'est pas une terre de tout repos. Non pas qu'elle soit plus difficile à travailler qu'une autre, mais simplement parce qu'elle est située dans une région frontalière, et par conséquent particulièrement exposée au bruit des bottes et aux excès de la soldatesque, de quelque drapeau qu'elle soit...
Dans les pages "Généralités", on a rapidement survolé les circonstances ayant provoqué des passages de troupes (et les dangers y afférents) dans la région qui nous intéresse. Mais les conflits de nations, lorsqu'ils pèsent quelque part, ne se contentent pas forcément de produire leur lot de pillages, de destructions ou de réquisitions (sur ces dernières, voir la page documents). Ils peuvent également provoquer des mouvements de population, volontaires ou forcés.
1) Mouvements forcés : les otages civils
Lors de la première guerre mondiale, déclarée au début du mois d'août 1914, les opérations militaires commencent par la foudroyante invasion par l'armée allemande de la Belgique puis du Nord de la France : elle est à Liège le 6 août, à Bruxelles le 20, à Charleroi le 22 et dès le 25 août autour de Maubeuge... Mais depuis la veille, l'armée française est contrainte à la retraite, et recule en peu de temps jusqu'à la Marne où les positions vont se stabiliser.
La capitale est sauve, mais pour les gens du nord, le mal est fait : ils sont sous le joug de l'envahisseur et soumis à une occupation qui va durer cinq ans et qui va laisser de très sombres souvenirs. Nous invitons ceux qui souhaitent connaitre les multiples effets de cette occupation (réquisitions et perquisitions, recensement, impôts et rançons, arrêtés et ordonnances, destructions, pillages etc.) à consulter le site prisonniers de guerre 1914-1918 (rubrique "les civils et l'occupation"), très bien documenté, ainsi que celui récapitulant l'exposition le nord en guerre 1914-1918 (sommaire très complet)...
(Voir trois images rares de la présence allemande dans la région de Bavay)
Dans la série de malheurs qui s'abattent sur la population envahie, l'aspect que nous voulons aborder ici est celui de la prise d'otages et de la déportation. Mais il faut faire un distingo entre ces deux pratiques qui ne sont pas toujours conjointes. La prise d'otages se présente comme une pratique nouvelle inaugurée lors des guerres modernes.
La vulgarisation de cette pratique se produit lors du conflit franco-allemand de 1870-1871 : après l'invasion et la victoire de la Prusse, son armée se retrouve pendant des mois face à des ennemis fantômes qui pratiquent la guerilla et le harcèlement : les francs-tireurs. Ceux-ci sont des civils, cachés et nourris par d'autres civils, et pratiquant, dans l'esprit de l'occupant, une guerre déloyale... La prise d'otages est donc effectuée soit pour qu'ils servent de boucliers humains (otages dits d'accompagnement, par exemple sur des convois routiers ou ferroviaires), soit pour garantir la tranquillité publique. En la circonstance, les otages ne subissent pas de déplacement.
Le fait de prendre des otages et de les envoyer au loin est une nouveauté de la guerre 1914-1918. Toutefois, un précédent a été créé par Napoléon qui, entrant dans Vienne en 1809, prend en otages certains notables de la ville et les envoie en France. En août 1914, l'Allemagne ne respecte pas sa parole de respecter la neutralité de la Belgique et envahit ce pays dans le but de fondre sur le nord de la France. Ce faisant, son armée se retrouve face à une population hostile : les mauvais souvenirs de 1871 reviennent à la mémoire de l'état-major allemand, ainsi que le risque de guerilla. En conséquence, dès le début des hostilités en Belgique, l'armée allemande, entre autres exactions et atrocités, prend des otages qui servent de boucliers humains (voir les témoignages, par exemple sur le site Loverval passionnément). Peu après, il en va de même en France, par exemple à Lille ou certains notables sont pris en otages pour garantir la tranquillité publique (60 personnes désignées par le Maire et le Prefet vont dormir à tour de rôle à la Citadelle).
Pendant le même temps, l'armée française a effectué une incursion en Alsace : les fonctionnaires allemands qu'elle y a trouvé en poste sont envoyés dans des camps de prisonniers en France. C'est une mesure que l'Allemagne n'accepte pas et elle va tout faire pour essayer de récupérer ses fonctionnaires ; et pour peser sur les négociations, elle déporte à partir de 1916 les otages, qu'elle a pris dans les territoires qu'elle occupe (parmi lesquels le nord de la France et la Belgique), en Allemagne.
C'est dans ce contexte d'avancée foudroyante de l'ennemi et d'occupation "dure" (les mauvais traitements infligés à la population belge par l'armée allemande ont eu beaucoup de retentissement) qu'il faut situer les déportations à Holzminden. |